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« C’est ma fille »



En disant cela, il balayait l’assistance de son regard gris, ironique, jouissant de cette réponse aux murmures de réprobation qui avaient salué leur entrée, on n’a pas idée de s’exhiber ainsi lors d’une réunion de famille avec sa ... et il savait bien les termes qu’ils auraient employés s’ils avaient osé, car ils les pensaient si fort que ça s’entendait.



Mal à l’aise, tous se taisaient maintenant. Quant à la fille, elle ne savait plus comment se tenir, disséquée par tous ces yeux qui re étaient des interrogations diverses, certains passaient mentalement en revue les anciennes liaisons du sulfureux tonton, de quelles cuisses pouvait-elle bien sortir ? Ce fut Morgan, du haut de la fausse innocence de ses dix ans, qui rompit le silence.



« mais elle ne te ressemble pas beaucoup... » Ce qui autorisa la vieille Amélie à lancer avec toute la perfidie dont elle était capable la formule assassine : « Tu es sûr ? »



D’abord il sourit, de ce sourire séducteur et carnassier que la fille avait appris à aimer et à redouter, comme sans doute beaucoup de femmes avant elle, mais pas pour les mêmes raisons. Et puis, il s’adressa au gamin :



« Tu vois, Momo... »



– Arrête, ne l’appelle pas Momo, interrompit brusquement la mère, c’est ridicule, et... vulgaire, ça fait enfant des quartiers.



– Et qu’est ce que j’étais, moi, à son âge ? On ne disait pas enfant des quartiers, on disait gosse des rues, avec le même mépris ? Où était ma mère ? Où étiez-vous tous ?, dit-il les dents serrées en regardant les vieux qui rentrèrent de concert la tête dans les épaules. Il n’y a eu que l’oncle Francis pour me donner un peu d’amour, et aussi un peu d’éducation, et c’est pour cela que je suis venu aujourd’hui à son enterrement. Mais toi, Momo, car j’ai envie de t’appeler Momo, tu serais peut-être plus heureux dans les quartiers, comme dit ta mère, qu’engoncé dans ton blazer bien propre, d’ailleurs, un blazer, à ton âge, quelle idée ! »



Il fit une pause, guettant une intervention qui amplifierait sa colère, mais tous demeuraient muets.



« Donc, reprit-il avec un peu plus de douceur, je n’ai nul besoin de commander un test ADN sur Internet. Toi, Amélie, qui est fourrée tous les dimanches à l’église, ne sais-tu pas qu’Au Commencement était le Verbe ? C’est ma fille, parce que je le dis. Et toi, Max, qui fréquentes d’autres chapelles, la formule : je la reconnais comme telle, ça ne te parle pas un peu ? C’est ma fille, parce que je la reconnais comme telle, sans preuve, sans papier officiel. Mais je connais son histoire, et pour elle, j’essaie d’accepter la mienne. »



La fille se redressa, fière tout de même de cette tirade, et un grand sourire éclaira son visage.



Alors, Momo s’écria en tendant le bras vers eux : « Ils ont les mêmes dents ! »

En disant par Martine de La Ciotat
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